Pour ce quatrième numéro, nous vous proposons de vous faire découvrir, ou redécouvrir, la sublime villa Eilenroc. Ici, tout est saisissant d’équilibre et ses propriétaires avaient-ils sans doute le goût pour le château de nos rois lorsqu’ils donnèrent son allure de petit Trianon à la demeure en y ajoutant ses portiques monumentaux. Edifiée en 1867 par Hug Hope Loudon, d’après les plans du célébrissime Charles Garnier, la propriété prend le nom d’Eilenroc, anacyclique de Cornelie, prénom de l’épouse de Loudon.
Sur ce balcon du ciel, on y imagine les belles en robes surannées profiter de l’azur. La demeure inspira Maupassant, merveilleux contemplateur de notre littoral de Keepsake : Eleinroc est une « ravissante et fantaisiste habitation qu’on vient visiter de Nice et de Cannes », écrira-t-il.
En 1878, Loudon cède la villa et son parc de dix hectares au philanthrope écossais James Willie qui y réside durant trente ans. Après 1908, différents propriétaires s’y succèdent avant l’arrivée en 1927 du couple Beaumont, Louis Dudley et la belle Hélène. Une histoire comme on les aime : Il est un homme d’affaires américain richissime, elle est née pauvre et française mais extrêmement ravissante. Elle chante merveilleusement bien. La soprano charme le milliardaire. Ils vont follement s’aimer et rythmer les grandes heures de la vie mondaine de l’entre-deux-guerres. Le « Tout-Côte d’Azur » se précipite à leurs garden-parties, et à leurs soirées à la "Gatsby", admire Hélène lors des concours de pyjamas de plage se déroulant à l’hôtel du Cap. Mille et une légendes entourent dès lors le couple.
Les années passent. Louis décède en 1942. Hélène délaisse peu à peu la demeure pour son appartement de Monaco. En 1982, elle lègue la propriété à la ville d’Antibes. La donation est assortie de conditions, notamment celle de créer une Fondation Beaumont, dédiée à gérer et à exploiter ce patrimoine remarquable.
Sublimée par Stephen Liégeard
Inventeur de l’appellation « Côte d’Azur » en 1887, l’écrivain et poète Stephen Liégeard se laissa séduire par les charmes de la bâtisse : « Son péristyle, ses colonnes à feuilles d’acanthes, tout, jusqu’à l’euphonique harmonie de son nom, évoque dans l’élégante villa un vague souvenir de Grèce, alors que le revêtement marmoréen des murs rappelle les bords du Céphise. » A travers son récit, nous découvrons que la propriété possède un pavillon de six pièces « pour loger le gardien et sa nombreuse famille, un autre dans la partie boisée pour le chef jardinier, quatre logements pour ses subordonnés ». Il y a des hangars, une buanderie, un poulailler, un pigeonnier. Il y a des serres « disséminées au hasard des allées ». Ceci nous rappelle que toute une vie palpitait à travers le parc mais aussi la maison, à la manière de Downton Abbey.
Un jardin redessiné au gré de ses propriétaires
James Willie engage en 1883 le jardinier Henri Ringuissen qui fait ici des merveilles : des tonnes de terre sont acheminées, des allées tracées. Il plante à profusion, agaves, dattiers, pins parasols, cyprès et autres chênes-verts. Un gazon so british est déroulé aux abords de la villa. Hélène Beaumont fera appel à l’architecte-paysagiste Jacques Greber pour restructurer le jardin. Devenue propriétaire, la ville d’Antibes confie à l’INRA la réhabilitation du parc. L’esprit de ses créateurs reprend souffle. La roseraie aux deux mille variétés pourrait embaumer à elle seule le parc, mais la lavande, le romarin et le thym y rivalisent de senteurs. Une splendide oliveraie s’y épanouit, comme le pin des Canaries et l’arbousier, le cèdre et le magnolia grandi flora, l’araucaria et l’eucalyptus, le ficus et le pittosporum…
Des personnalités et des films célèbres
Hélène et Louis étaient doués pour les mondanités. Ils reçoivent indifféremment les Windsor, les Gould, le comte de Bourbon-Parme, Mona Bismarck ou Léon Bailby… En 1988, le congrès franco-américain réunit plusieurs chefs d’Etat dont le président de la République française, François Mitterrand. Les lieux servirent notamment de cadre au film de Patrice Lecomte, Une chance sur deux, avec Belmondo et Delon. Ainsi que Magic in the Moonlight, de Woody Allen, avec Emma Stone et Colin Firth.
Une villa remarquable ouverte au public le samedi
Que nous murmurent aujourd’hui les boiseries, le parquet qui grince sous les pas, les objets dans les vitrines ? Qu’une vie de luxe, de calme et de volupté s’est épanouie ici. Le rez-de-chaussée est ouvert au public, qui peut ainsi découvrir les pièces de réceptions, le grand salon lambrissé, la salle à manger et une salle de bain d’enfer. Chaque fenêtre est un tableau sur l’immensité de la Méditerranée ou sur le parc verdoyant, tout au long des saisons.
Les conseils
Avant de vous rendre à Eilenroc, assurez-vous de son ouverture. La propriété est parfois réservée pour des événements. Ne pas manquer de vous poser un instant au petit salon de thé, organisé aux abords de l’oliveraie. Un très bon accueil vous sera offert.
Pratique
460 avenue Mrs L. D. Beaumont
O6160 Antibes
Ouvert le samedi de 10h00 à 17h00
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