Val Rahmeh
Une Villa en son Jardin
Le numéro 7 de notre journal vous entraine ce mois-ci dans l’un des plus attachants et admirables endroits de la Côte d’Azur, la Villa Val Rahmeh, à Menton.
Nous vous y invitons pour une promenade remontant à quelques décennies, au temps où l’on conjuguait joyeusement villégiature et botanique, mais aussi à l'heure où débute la Fête du Citron.
On y vient pour son jardin botanique et d’agrément, et l’on découvre une demeure de style italo-méditerranéen, aux façades ocre jaune composites, où l’on voudrait déballer durablement ses malles de voyage, s’installer sur sa grande terrasse, et savourer le temps qui passe paisiblement à Garavan.
Un temps que l’on s’amuserait à remonter jusqu’en 1906, à l’époque où sir Percy Radcliffe acquiert l’endroit, une propriété agricole sur laquelle s’élève une maison de campagne appartenant à la famille mentonnaise des Monléon depuis 1875. Ce temps de la Belle Epoque où Menton est déjà une station de villégiature prisée, notamment de la colonie anglaise. On pense évidemment à la reine Victoria ainsi qu’à James Henry Bennet.
« Menton est une jolie petite ville, un peu irréelle comme tous ces endroits, mais où l’on trouve pourtant quelques coins naturels. Tout est réglé par le soleil : il est roi, reine, premier ministre… » Katherine Mansfield.
Militaire, lord, passionné de botanique, amoureux de la Riviera, Percy Radcliffe est un Anglais pur jus, so british. Marié depuis 1918 à Rahmeh Swinburn, il décide de s’installer définitivement à Menton. Il fait appel à l’architecte mentonnais Frédéric Orrigo, qui intègre l’ancienne bâtisse à la nouvelle. Les plans sont datés de 1925, la villa de 1926. La propriété prend le nom de son épouse défunte, Rahmeh, signifiant « tranquillité » et se transforme en un grand jardin aux essences méditerranéennes. La villa est agrandie en 1928. Différents propriétaires se succéderont après le décès de sir Radcliffe en 1934.
L’année 1957, voit l’arrivée de Maybud Campbell (1900-1982), anglaise fortunée, botaniste de formation, qui entreprend d’agrandir le jardin et d’y acclimater des plantes exotiques. Elle orne ainsi le jardin d'essences rares en provenance de tous les continents. Neuf ans après, Maybud cède la propriété à l’Etat qui l’ouvre au public en 1967. Propriété du Muséum national d’histoire naturelle, cette annexe du jardin des Plantes se consacre essentiellement à la culture des plantes tropicales. A visiter absolument !
D’autres villas, d’autres jardins
En plus de Val Rahmeh, Menton est riche d’un patrimoine végétal et bâti assez extraordinaire, somptueux, si l’on pense à la villa Maria Serena, la Serre de la Madone, Les Colombières, ou encore Fontana Rosa et son jardin des Romanciers.
"Plus loin, s’étagent les jardins de la Madone, célèbre terrasse dons les pins-parasols à la ramure immense couvrent de leur ombre les premières pentes d’un coteau romantique, au bord de parterres fleuris"
Stephen Liégeard, La Côte d’Azur.
En savoir plus :
Les Jardins de la Côte d'Azur
L’âge d’or des jardins sur la Riviera s’étend sur un demi-siècle : 1880 – 1930. Selon certains historiens, le littoral des Alpes-Maritimes possédait, à cette époque, près du tiers des créations de jardins en Europe. L'aristocratie et la grande bourgeoisie européenne qui avaient coutume d’hiverner dans cette région, ont ainsi fait édifier des résidences fastueuses accompagnées de leurs jardins.
L’histoire de « l’acclimatation » sur la Côte d’Azur
La frange littorale du sud-est de la France a connu au XIX ème siècle un engouement particulièrement fort pour la botanique et l’introduction de végétaux venus de pays lointains, prisés pour leur originalité et leur pouvoir évocateur à une époque de recherche d’exotisme. Botanistes, amateurs et jardiniers, passionnés par ces végétaux exotiques, expérimentèrent son accommodation sur le territoire. Diffusés dans les villes et jardins, ces espèces apportèrent une ambiance d’apparence ‘tropicale’ qui marqua profondément le paysage. Ces plantes sont aujourd’hui devenues emblématiques de la Côte d’Azur : orangers, limons, palmiers, agaves,
Les premiers essais d'acclimatation remontent néanmoins au XVIIè siècle, lorsque en 1640 "un sieur Arène introduit à Hyères vingt espèces d'orangers, trente et une de limoniers, ainsi que palmiers, cannes à sucre et un grand nombre de plantes exotiques inconnues auparavant" (F.E. Fodéré, 1821).
Un siècle et demi plus tard, c'est l'Impératrice Joséphine de Beauharnais, d'origine Antillaise, qui permettra l'implantation d'espèces exotiques sur la Côte d'Azur en envoyant en 1804 des plantes originaires de la Nouvelle Hollande à l'administrateur des Jardins de Nice.
A Cannes, avec l'arrivée de Lord Brougham en 1834, les jardins des propriétés luxueuses se parent d'une multitude de végétaux rares, tandis que les hôtels se dotent de plantes les plus exotiques pour satisfaire leur clientèle.
Cet engouement pour la botanique a permis le développement de l'horticulture, sur la Côte d’Azur au début du XXème siècle.
Retour à l'essence du jardin méditerranéen
C'est aussi au XXème siècle que des personnalités telles que Ferdinand Bac, Harold Peto et Octave Godard participent à une réinvention des jardins, en pronant le retour aux formes régulières, la prise en compte du site et le respect du caractère local.
On retrouve alors les principes spatiaux et stylistiques de la renaissance : équilibre entre la construction et le jardin, ouverture sur le paysage, formes plus épurées, plans d'eau, sculptures, belvédères, colonnades, péristyles...
En savoir plus :
Acclimatation des plantes exotiques sur la Riviera
Société des jardins Méditerranéens
Quelques ouvrages :
Ferdinand Bac sur la Riviera : la villa Croisset
Jardins secrets de Méditerranée. Jean Mus
Texes : Jean-Luc Guillet /Caroline Denis
photographies : Caroline Denis