Une hôtellerie et une restauration de charme
Avignon, mais aussi Arles, Nîmes s’inscrivent en 1949, 1954 et 1959 sur les carnets de route d’Hemingway. « Papa » est au fait de sa gloire littéraire. Il se déplace désormais en Packard ou en Lancia avec chauffeur. Mais le plaisir et les émotions éprouvées restent inchangés. Contrairement au voyage de 1924, l’écrivain descend désormais dans les meilleurs hôtels de la région.
L’hôtel d’Europe, à Avignon
Avec Pauline ou Mary, ses épouses suivantes, Hemingway sera client de l’établissement, ancien hôtel particulier de la fin du seizième siècle, alors propriété de la famille de Graveson. Son activité d’hôtellerie sur la place Crillon remonte à 1799. Des hôtes illustres y ont fait halte : Bonaparte, Victor Hugo et Juliette Drouet, Jean Cocteau, Pablo Picasso, ou encore Scott et Zelda Fitzgerald en 1924…
L’ancien relais de diligence du dix-septième siècle s’est mué en un lieu de villégiature notoire, rendez-vous de la bohème chic et artistique. C’est l’autre temple de la tauromachie, situé à une encablure de l’amphithéâtre, place du Forum. Ernest apprécie y faire escale. On peut y croiser Jean Cocteau, Luis Miguel Dominguín et Lucia Bosè, Pablo Picasso…
L’hôtel Jules César, à Arles
L’établissement est fondé en 1928, dans ce qui fut autrefois le couvent des carmélites. Une bâtisse du douzième siècle, dont le fronton supporte le portrait gravé de l’illustre empereur romain, ainsi que l’inscription latine Sta viator (Reste voyageur). Une invitation à laquelle Hemingway a été sensible. Une pause salvatrice sous l’ombrage du boulevard des Lices. Dernière visite en 1959 à la cité tant aimée. Une fois encore l’amphithéâtre, apprécié de l’écrivain pour être l’un des plus grands et des plus vieux du monde romain. Hemingway goûte toujours autant le site, même s’il n’y a pour l’heure de corrida. Il est accompagné de Mary et de Valérie Danby-Smith, jeune journaliste d’origine irlandaise et future épouse de son fils Grégory. Le petit groupe arrive de Nîmes, où, dans les arènes, a toréé Antonio Ordoñez.
L’hôtel Imperator, à Nîmes
L’hôtel aux lignes art-déco a été construit en 1929 à l’initiative de la Compagnie des Wagons-Lits. C’est son port d’attache en Provence, comme l’est à Venise le Gritti Palace. L’établissement accueille rapidement les plus grandes personnalités. Pablo Picasso, mais aussi Jean Cocteau ou encore Ava Gardner comptent parmi sa clientèle. Hemingway y vient à plusieurs reprises, parfois accompagné des grands noms de la tauromachie, à l’exemple d’Antonio Ordóñez et Luis Miguel Dominguín. Les visites d’Hemingway y sont restées mémorables, comme les repas nocturnes interminables pris dans les jardins aux tilleuls et rosiers grimpants. Une cour d’aficionados plus ou moins célèbres l’entoure : Flo Malraux, la romancière Monique Lange, l’écrivain espagnol Juan Goytisolo…
Des instants appréciés par-dessus tout. Hem’ parle littérature, d’architecture, évoque de nouveau sa passion pour la peinture et réaffirme qu’il aurait aimé écrire aussi bien que Van Gogh peignait. Le bar n’est à quelques pas. Un ascenseur en bois, avec portes à battant et grilles de fer forgé, monte aux chambres spacieuses et confortables. La vue sur les jardins de la Fontaine y est somptueuse et reposante. C’est son port d’attache en Provence, comme l’est à Venise le Gritti Palace. L’écrivain l’intègre à l’œuvre. Le Jardin d’Éden en fait mention à deux reprises. C’est encore à l’Imperator qu’Ernest poursuit en 1959 l’écriture du roman et le donne à lire pour la première fois à une jeune journaliste irlandaise, Valérie Danby-Smith, sa future belle-fille.
Le Lisita, à Nîmes
Cette table de premier ordre, face à l’amphithéâtre, est goutée à plusieurs reprises par Hemingway. L’institution nîmoise siège depuis la fin du dix-neuvième siècle, d’abord sous l’appellation « Hôtel de Nice », puis Lisita, du nom de son propriétaire qui en fait une maison renommée à partir de 1929. Les déjeuners ou les dîners à sa terrasse sont des moments suspendus pour l’écrivain.